Interview Steve Cuzor

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En 2018, Steve Cuzor a obtenu le prix Coup de Cœur du festival. Il est attribué à un ou plusieurs auteurs dont l’oeuvre nous a agréablement surpris et réjouit.

 

Bonjour Steve !

Pouvez-vous vous présenter ?!

Je suis né à Rennes en 1971, de parents enseignants. Et puis, ils ont été mutés dans le Loiret, misère, j’aurais préféré rester en Bretagne, mais bon, j’avais 6 mois, on ne m’a pas donné le choix. J’y suis revenu il y a 16 ans, aujourd’hui, j’habite les Côtes-d’Armor.

Quel est votre parcours ? 

Je ne sais pas s’il y a un rapport avec le fait d’avoir des parents profs, mais très vite je déteste l’école. Je n’aime pas y aller, je n’aime pas y rester et je n’aime pas être assis cloué sur une chaise toute la journée à écouter des trucs qui me passent au-dessus. Moi, je veux être cowboy, un vrai de vrai, avec son cheval, pour vivre des aventures et pour oublier le Loiret et l’école. C’est comme ça que je me retrouve dans une compagnie de voltige équestre cosaque à 13 ans et qu’en même temps, je découvre l’équitation Western et l’amour pour la bande dessinée. Bref, je réussis quand même à avoir le bac, aux forceps, je me demande encore par quel miracle, mais le « contrat » est rempli. À partir de là, les compétitions de rodéo vont vraiment pouvoir commencer et notamment dans les bases de l’armée américaine en Allemagne et en Sicile puis au Texas. En parallèle, je passe le concours d’entrée aux Arts Appliqués à Paris où on me remercie très vite au bout de deux ans pour bons et loyaux services des absences… Toujours ce foutu esprit « école » qui ne passe pas chez moi et le monde des cowboys est plus fort que tout. Entre deux rodéos, je reprends l’envie de dessiner, quelques portraits, des potes à cheval ou en train de poser devant leur ranch. Et puis, un beau jour, l’un d’eux me demande si ça me dirait de les vendre…

Ce parcours semble assez éloigné du métier d’auteur, comment en êtes vous arrivé à la bande dessinée ?

De retour à Paris, je décide de vraiment m’attaquer à la bande dessinée. Une façon pour moi de poursuivre ces aventures en prenant moins de risques. Faut dire aussi que je commence à collectionner les fractures et qu’il est temps de passer à autre chose… Je démarche alors les éditeurs avec toutes les galères que cela comporte et notamment trouver un scénariste. En attendant, je vis en faisant des storyboards pour la pub, des illustrations pour Cheval Mag, Cheval Pratique, etc… Et puis un jour, miracle, je décroche un rdv avec Jean-Paul Mougin, alors directeur éditorial de Casterman, à qui j’avais envoyé quelques planches d’essai (sur un scénario de quelqu’un d’autre). Le projet ne l’avait pas emballé mais il avait accepté de me recevoir. Moi, je me dis, bon, ok, il ne veut pas du projet mais peut-être que mon dessin l’intéresse et qu’il va me refiler un scénario ? Très vite, il veut savoir qui je suis, d’où je viens, et puis ça l’intrigue de me voir chiquer du tabac dans une canette de coca vide : « Ça te vient d’où cette habitude ? Je n’ai jamais vu personne faire ça. » Du coup, je commence à lui raconter mon histoire de cowboy en Allemagne, les bases Américaines et tout le cirque, jusqu’au Texas. Il m’écoute pendant une heure et là il me dit : « Ce que je vais te dire ne va peut-être pas t’avancer beaucoup, mais si j’étais toi, plutôt que de chercher un scénariste, je raconterais mes histoires. » Et il ajoute cette phrase qui résonne toujours en moi : « Mon rôle, ce n’est pas de donner du boulot aux auteurs, mais d’éditer des auteurs qui me font rêver. » Je suis rentré chez moi et j’ai commencé à écrire les 4 tomes de Black Jack. Aujourd’hui, ça fait 24 ans que je ne fais que de la Bande Dessinée.

Lors du dernier festival Quai des Bulles, vous avez reçu le prix Coup de Cœur Quai des Bulles pour votre BD Cinq branches de coton noir, comment avez-vous vécu cela ?

Une situation très drôle qui m’a complètement échappée. Je n’étais au courant de rien forcément mais l’organisation de Quai des Bulles avait mis ma compagne dans la confidence. Elle avait pour mission de me trainer à la remise des prix sous un quelconque prétexte. Sauf que pour moi c’était enfin la pause d’une grosse journée de dédicaces et j’étais bien décidé à rester sur cette foutue chaise, à cette foutue terrasse en attendant que le serveur m’apporte ce foutu whisky. Bref, faut pas trop m’emmerder en ces cas-là (rires), et puis pour être franc, je ne suis pas très branché « remise des prix »… Du coup, cette histoire a viré au truc bizarre… Mon pote Joub, voyant que ma compagne n’arrivait pas à me convaincre, est venu à son secours une dizaine de fois. Moi, je ne comprends toujours rien ni pourquoi il tient absolument à ce que je vienne à cette foutue remise de prix où la salle est toujours bondée. Bref, le manège a duré au moins une demi-heure, Joub a fini par lâcher l’affaire, et mon whisky est enfin arrivé. C’est alors que ma compagne s’est levée, a vidé mon verre dans le bac à fleurs et a dit : « Bon, Steve, tu fais vraiment chier avec ton whisky ! Je crois qu’on t’attend à l’intérieur. » Au final, j’ai été très ému par ce prix coup de cœur car j’adore Quai des Bulles. Pour moi ce festival, c’est le « must » !!!

Comment vous est venue l’idée de cet album « Cinq branches de coton noir » ? Quelles ont été les différentes étapes de travail ?

C’est simple, j’ai reçu le scénario de Yves Sente (ndlr le scénariste de l’album) par la poste, je suis tombé sous le charme de cette belle histoire et je l’ai appelé. Il est venu en Bretagne et on a bu plein de whisky. Du coup, on s’est très bien entendu.

 

Comment s’est passée la collaboration avec Yves Sente ?

Après avoir lu le scénario plusieurs fois, j’ai senti le besoin de raconter à Yves MON histoire de SON histoire… Et de la raconter à ma main (Pour un dessinateur, c’est bien de raconter à sa main ce qu’on attend d’elle, Ha Ha ! ). Je me levais régulièrement pour lui mimer certaines scènes, il prenait des notes, on se resservait un whisky, on était d’accord, parfois je devais argumenter pour le convaincre, puis il reprenait des notes. J’ai aimé cet échange car à ce moment-là, j’ai su qu’on faisait le même livre.

Avec quel matériel dessinez-vous ?

Je travaille à l’ancienne : pinceau, encre de chine, gouache, cutter, whisky.

steve cuzor noir et blanc

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Je pourrais citer plein d’auteurs Français, Belges, Américains, Italiens, Argentins, Espagnols… Mais celui qui m’a vraiment donné envie de faire de la bande dessinée c’est Uderzo.

Pouvez-vous nous dire sur quoi vous travaillez en ce moment ?!

Actuellement je travaille seul sur un nouveau livre qui va me coûter cher en encre de chine, une histoire complète qui sortira chez Aire Libre Dupuis.

Vous fréquentez le festival depuis plusieurs années, quel est votre rapport à Quai des Bulles ?

Ma relation avec le Festival Quai des Bulles est simple : j’essaye toujours de trouver « un plan » pour être réinvité l’année d’après. Si je ne trouve pas, je viens en touriste.

Merci ! 

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