Jean Cremers, Lauréat 2020

Jean Cremers est belge, il a 24 ans. Il a étudié différents domaines : sciences-langues, biologie médicale ou encore communication graphique et visuelle. Lui qui, il y a quelques années, se refusait à la pratique de la bande dessinée par manque de « maturité et d’histoires à raconter », est aujourd’hui en master 2 à l’Académie royale des beaux-arts de Liège, « […] le seul endroit possible pour un master en BD à Liège. »

Illustration Jean CremersLe grand-père artiste de Jean est peut-être à l’origine de son amour du dessin : « Je me souviens que quand j’étais petit, je tirais la trappe du plafond pour faire descendre l’escalier de l’ancienne maison de mes grands-parents. Une fois dans le grenier, l’odeur de peinture et de vernis se liait à celle du bois qui meublait l’atelier de mon grand-père. C’était un endroit magique. Comme la caverne d’Ali baba. Il y avait des sculptures baignées dans la lumière qui perçait le velux poussiéreux dans le fond de l’atelier, et des squelettes d’oiseaux tombés d’un nid entreposés dans des petites cages rondes à barreaux. Un jour, il a même ramené un squelette de chat trouvé sur la route. Il est toujours chez lui d’ailleurs, dans sa nouvelle maison, à Tilff. Je crois que c’est en voyant son petit cabinet de curiosité rempli d’œuvres d’art que j’ai eu envie de faire comme lui. D’avoir mon monde, comme une maison dans une maison. J’ai envie de pouvoir transmettre son goût pour les choses bizarres et uniques, alors j’ai dessiné ».

J’ai 4 frères et sœurs, peut-être que dessiner signifiait m’émanciper au sein de ce noyau familial, d’essayer de me démarquer.

Jean utilise un style graphique léger, épuré, avec un côté croquis : « J’aime bien obtenir cet effet brouillon que seuls les croquis rapides dévoilent, comme si je pouvais encore y ajouter des traits qui s’avèreraient superflus ». Il conçoit ses planches de façon très cinématographique : « J’aime penser que mon histoire pourrait se métamorphoser en un film, avec sa musique et ses voix. Je crois sincèrement que lorsqu’on lit les phylactères d’une planche, si on ne parvient pas à entendre la voix du personnage qui parle dans sa tête, c’est que quelque chose ne va pas ». Il reconnaît d’ailleurs s’inspirer de « films lents » comme Into The Wild ou encore The Revenant. La vie de tous les jours représente également une source inépuisable d’idées, fluctuant au gré des rencontres : « Les attitudes des gens qui nous entourent, les visages de ceux qu’on ne connaît pas, les mains qui en disent parfois plus que les mots… ». Jean Cremers observe donc, et son œuvre prend sa genèse dans la vie quotidienne, les rencontres, mais également auprès des auteurs qui l’influencent. Il cite notamment Gipi, auteur italien, dont la simplicité des traits alliée à sa capacité à raconter des histoires crues et froides tout en restant touchantes relèvent, pour Jean, de la magie.

J’essaie de construire un univers en apparence simple et humain, qui s’avère être profond et spirituel. Exactement comme la plupart des relations.

Illustration Jean Cremers 2

Dans ses œuvres, Jean Cremers laisse libre court à l’imagination des lecteurs et lectrices, tout en leur faisant confiance quant à leur compréhension et à leur interprétation : « J’ai horreur de tout expliquer. Je préfèrerais que le lecteur comprenne grâce aux indices, évidents ou pas, que je sème tout au long du récit… ». Techniquement, il travaille principalement avec une tablette graphique, sur Photoshop, cependant il ne cache pas son plaisir à retrouver des pratiques plus ancestrales, notamment à travers l’utilisation de pinceaux épais et d’encre de chine.

Participer à ce concours est une manière de pousser la porte du monde des grands.

Jean Cremers a gagné le concours Jeunes Talents de l’association Quai des Bulles en 2020. Sa participation a notamment été motivée par l’exemple que lui a donné sa camarade de promotion à l’école Saint-Luc et amie, Alix Garin (cf. portrait p.30 & 31), lauréate du grand prix de l’année 2017 : « J’ai participé surtout dans l’espoir d’obtenir une visibilité, et de peut-être me faire repérer par une maison d’édition. […] C’est un concours assez célèbre, et donc un défi que je souhaitais relever ». Suite à sa victoire, qu’il décrit comme être« une des plus excitantes nouvelles que j’ai reçues de ma vie » , il a pour la première fois l’impression qu’une vraie perspective s’offre à lui. Celle de réaliser son rêve, être auteur de bandes dessinées. Toujours est-il que suite au concours Jeunes Talents, il a établi des contacts avec des éditeurs, et a reçu de nombreux messages de félicitations : « Gagner ce concours m’a apporté de la crédibilité professionnelle, cela me donne plus de confiance en mon travail ».

Aujourd’hui, je veux devenir un auteur de bandes dessinées complet, parce qu’enfin, j’ai quelque chose à raconter.

Quid de son futur ? Jean sait où il veut aller. Lui qui a l’origine visait le métier de dessinateur, désire aujourd’hui épouser le dessein d’auteur, qui lui semble plus complet et varié. Il souhaite pouvoir éditer les quelques projets qu’il développe depuis maintenant une année, tous sur le thème des relations humaines. C’est d’ailleurs le sujet du roman graphique sur lequel il travaille, intitulé Mayo ou Andalouse. Narrant l’histoire de deux frères en partance pour la Norvège, tous deux pour des raisons diamétralement opposées, le pèlerinage de ces derniers va être chamboulé suite à une rencontre inattendue.


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Découvrez les planches dessinées par Jean Cremers, grand prix Jeunes Talents en 2020, sur le thème « 40 ans après » :

 

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