Sélections prix Quai des Bulles : les 25 albums à découvrir cet été
Alix Garin est la lauréate du concours Jeunes Talents 2017 ! Récompensée par le jury lors du festival Quai des Bulles, la jeune illustratrice revient sur son parcours et évoque ses projets futurs.
Alix Garin a 20 ans. Elle est née et réside en Belgique. Passionnée par le dessin depuis toute petite, elle a choisi de suivre des études de Bande Dessinée à l’école supérieure des arts Saint-Luc, après avoir obtenu son bac en option langues, histoire de l’art et communication : « Je dessine depuis que je suis enfant et j’ai toujours voulu faire de la BD. Cette passion remonte à mes 5 ans, quand une amie de ma mère m’a appris à tracer des cases sur une feuille pour y raconter une histoire. Ça a été le coup de foudre, je ne me suis jamais arrêtée. Même si après l’obtention du bac, j’ai remis en question cette passion, par peur de l’avenir et des “débouchés”. Mais c’était plus fort que moi, je n’aurais pas pu me regarder en face si j’avais abandonné sans même avoir essayé ! »
« Dans mon esprit le Rio Grande est à la fois une frontière et un lieu mythique. »
En 2017, Alix participe pour la première fois au concours jeunes talents : « J’en avais déjà entendu parler auparavant mais je ne me sentais pas prête à participer. Et puis j’ai sauté le pas ! ». Elle nous confie que le thème « Au-delà du Rio Grande » lui inspirait plusieurs idées, dont le Western, mais qu’elle ne souhaitait pas s’y plier puisque c’est un genre qu’elle n’affectionne pas particulièrement. C’est alors tout naturellement que son projet a pris une autre direction, moins classique : « Dans mon esprit le Rio Grande est à la fois une frontière et un lieu mythique. Alors “Au delà du Rio Grande”, ça m’a évoqué “Qu’y a-t-il au delà des frontières qui nous angoissent et nous font rêver en même temps ?”. J’ai voulu en faire une réflexion introspective sur les frontières de nos personnalités, de nos peurs, de nous-mêmes. Dès que ce postulat a pris forme, l’idée de mes planches et le découpage sont venus très spontanément. J’aime faire confiance à cette spontanéité, alors je me suis immédiatement lancée sur ce projet. »
Malgré la facilité à réaliser sa planche, Alix ne se doute pas encore à ce moment là qu’elle remportera le concours : « Entre la réalisation des planches et l’annonce des résultats il y a eu plusieurs phases : espoir, désenchantement, remise en question, re-espoir… Je n’avais aucune idée de l’accueil qu’on réserverait à ce projet ! ».
« Dès la lecture du thème, l’idée m’est venue. Presque immédiatement ensuite, le découpage a suivi. »
Selon Alix, la réalisation des planches s’est faite assez facilement et rapidement, cependant, elle nous explique avoir rencontré des difficultés sur la colorisation : « Le dessin s’est fait assez vite parce que c’est le domaine dans lequel j’ai le plus de facilité, surtout les personnages. Pour le décor, j’ai du faire plusieurs essais pour obtenir un résultat qui me satisfaisait. Par contre, la couleur, j’ai sué sang et eau ! (rires) Jusqu’à il y a (très) peu, c’est l’étape qui représentait la plus grande difficulté pour moi. C’est précisément pour ça que je tenais à ce que mes planches pour le concours soient en couleurs : pour m’obliger à le faire. J’ai fait beaucoup d’essais différents, avec des tons ou des ambiances variés. Je voulais absolument planter une ambiance. Ce côté “rough” n’était pas voulu au départ et finalement, quand j’ai vu le brouillon comme ça, j’ai aimé. Alors j’ai gardé cet effet “superpositions” qui forment un dégradé. Bref, c’était très expérimental ! Mais quand j’ai vu le résultat, j’étais contente. Ça a fait comme un déclic, depuis, je prends un plaisir fou à coloriser mes planches. »
Afin d’aboutir un projet, Alix a développé sa propre routine de travail, établie au fil des années, grâce à la pratique : « Le brainstorming consiste en des gribouillages sur des bouts de feuilles à gauche et à droite. Ensuite, je fais le découpage sous forme de très vagues gribouillis sur des feuilles A5, juste au crayon à papier. Pareil pour les recherches graphiques des personnages, toujours au porte mine. Après je scanne le découpage, qui va me servir de point de repère pour l’encrage par ordinateur, avec Photoshop (ce qui me permet d’éluder le crayonné et toute la frustration qu’entraine l’encrage habituellement). Cette technique fait gagner beaucoup de temps. Et pour les couleurs, je fais tout par PC aussi. Avant je faisais tout manuellement. Encrage à la plume ou au pinceau, aquarelle, etc. Mais ça prend un temps considérable. Quand je suis passée au PC, j’ai pu travailler tellement plus vite que j’ai évolué bien plus rapidement. »
Les lumières et les couleurs des deux planches proposées par Alix pour le concours BD ont été très appréciées par le jury. Elle nous explique que c’est l’une des caractéristiques de son travail, c’est pour elle, un point fondamental : « Je pense que la lumière est l’élément essentiel à de nombreuses ambiances. Je veille toujours à ce qu’elle soit présente et joue un rôle quasi narratif. Et c’est précisément ce qui me donne tant de plaisir à mettre en couleur : jouer avec la lumière et l’ombre. Je commence toujours par ça, c’est ma base. J’adapte le reste des couleurs ensuite »
Lors de la remise des prix, Alix a vécu un moment qu’elle juge important dans sa vie professionnelle : « C’était vraiment très émouvant. Parce que la BD est une passion dévorante mais angoissante. On connait tous les chiffres horribles de la surproduction, de la paupérisation des auteurs, de la difficulté à avoir de la visibilité. Et pourtant on s’accroche. Alors recevoir un prix, ça donne la sensation que ce n’est pas vain. Ca rassure énormément. Mais ce qui était le plus important pour moi, c’était de l’annoncer à mes parents. Ils m’ont toujours fait énormément confiance et soutenue à faire de la bd. Je voulais ce prix pour eux, pour les remercier de croire en moi. »
L’obtention de cette récompense lui a permis de se faire connaitre auprès du grand public comme du public professionnel. Cela lui a apporté une certaine assurance pour rencontrer les pros : « Quand j’annonçais aux éditeurs rencontrés lors du festival que j’étais la gagnante, ils étaient curieux de voir mon travail. A moyen terme, ça m’a permis de faire des rencontres plus ou moins prometteuses. Echanger les cartes, tout ça… Ce sera très utile pour la suite. Mais il ne faut pas leur laisser le temps de m’oublier! »
« Mon rêve ultime est de devenir auteur, d’écrire mes propres albums et de pouvoir en vivre »
Concernant les projets à venir, Alix a déjà plusieurs envies, plusieurs pistes, mais elle souhaite par-dessus tout continuer dans cette voie : « Mon rêve est d’être une auteur de bd complète, d’écrire mes propres scénarios et les mettre en images. J’aimerais me diriger vers le roman graphique, et me plonger dans des histoires réalistes en continuant d’explorer toutes les possibilités graphiques de ce medium. Ceci dit, j’ai aussi un faible pour le dessin d’humour, le dessin hyper spontané à la Marion Montaigne. » Pour l’instant, elle poursuit ses études vers le design d’image 3D, pour ensuite chercher un éditeur qui publiera ses projets personnels : « J’aimerais des qualifications qui m’assurent de trouver un travail, ne fut-ce qu’alimentaire. L’avenir est trop incertain. Mais je n’abandonnerai pas la BD. Mon rêve ultime est de devenir auteur, d’écrire mes propres albums et de pouvoir en vivre. Que le public suive et aime ce que je fais. Ce serait merveilleux. »
Vous pouvez suivre le travail de cette jeune auteure sur Instagram
(Re)lire les planches d’Alix Garin :