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Le 28 octobre 2017, Quai des Bulles décerne le prix Coup de coeur à Eric Sagot et Fabien Vehlmann pour leur album Paco les mains rouges. Scénarisée par Fabien Velhmann et illustrée par Eric Sagot cette bande dessinée raconte l’histoire de Paco, un ancien instituteur qui se retrouve au bagne en Guyane pour avoir commis un crime de sang. Retour sur le parcours d’Éric Sagot, l’auteur de ce fabuleux diptyque.
Eric Sagot a 52 ans. Il est né à Nantes, ville dans laquelle il vit toujours. Dès son entrée en sixième, son rapport à l’école se dégrade : « Mes notes scolaires étant catastrophiques, les profs m’ont proposé un cursus de travail manuel du genre chaudronnier. Je ne voulais surtout pas en entendre parler ». Au collège, il commence à dessiner : « de petites histoires pendant les heures de colle ou pendant la permanence entre deux cours, pour faire marrer et épater les copains de classe. » Après la troisième, il rentre dans un lycée technique pendant deux ans: « j’étais en classe de CAP de dessin d’exécution publicitaire, période catastrophique également ». Puis le jour des ses 18 ans, il intègre une équipe
de journalistes et devient maquettiste pour un hebdomadaire culturel nantais
La Tribune : « Là, j’ai appris beaucoup dans l’art de la mise en page et j’ai publié mes premiers dessins. »
En 1981, Eric Sagot créé un fanzine avec un ami. Puis il multiplie les illustrations pour le milieu du rock nantais et plus spécifiquement pour le groupe Elmer Food Beat. Depuis plus de trente ans, il publie ses dessins. Passionné par les voyages, il part en Guyane en 1990 : « J’y suis allé sur un coup de tête avec un copain, sans rien connaître de l’endroit. Je logeais sur un petit voilier à Kourou. J’ai été confronté la première fois avec le monde du bagne en mettant le pied
sur une des Îles du Salut, l’Île Royale. J’ai vu de vieux bâtiments étouffés par
la végétation, des vestiges du bagne ! Ensuite en me renseignant sur le monde
des bagnes de Guyane, je me suis mis en tête de raconter une histoire. C’est
exotique et historique, il y a des palmiers, une chaleur étouffante, la mer, la jungle, des sales types, des crevures, des gars bien, des gardiens pourris… Tout ce qui me plaît pour une bonne histoire ».
Afin de concrétiser cette envie, Eric Sagot propose à Fabien Velhmann d’écrire son
scénario : « J’ai amassé pendant des années tellement de bouquins sur le bagne que je me suis perdu dans cette masse de documentation. J’avais trop d’informations et je ne savais pas par quel bout commencer pour écrire mon scénario. Rêver pendant des années de raconter une histoire géniale de bagnards, ça ne sert à rien, Il faut s’y mettre pour de bon ! Alors je dois me résoudre à faire appel à quelqu’un d’imaginatif, de pragmatique et si possible d’agréable à vivre, on appelle ça un scénariste de bande dessinée. » Quelques semaines passent, Fabien Velhmann accepte le projet. Eric Sagot reçoit alors le scénario par mail : « 92 pages d’un coup ! Toute l’histoire de Paco dont je suis le premier lecteur. Je me suis isolé dans mon atelier, j’ai lu et relu le scénario de Fabien, une histoire géniale et touchante écrite sur mesure pour moi. Désormais il fallait la dessiner et ça c’était une autre histoire ! »
Le projet Paco les mains rouges voit le jour. Les deux auteurs échangent
beaucoup lors de l’élaboration de cet album : « J’ai à ma disposition le scénario complet, écrit à la virgule près. Fabien me décrit chaque case par écrit, très simplement, pas trop de mots, juste assez évocateurs pour me laisser toute liberté d’imagination. Chaque page de Fabien est bien claire, facile à maîtriser pour mon organisation et ma compréhension du déroulement de l’histoire. Comme je suis plus familiarisé que Fabien sur le monde du bagne, je mets au service de sa narration les images que j’ai engrangées depuis des années, celles qui encombraient mon cerveau. Fabien n’a pas à se soucier du côté iconographique du bagne dans mes images, j’ai les bouquins et les photos qu’il faut. Il me fait confiance, il sait que je vais montrer l’image qu’il faut montrer. »
Lors de la création du deuxième tome, les deux hommes se voient plus régulièrement : « Je lui ai montré toutes les étapes de mon travail ; le découpage, les crayonnés et les planches finalisées. Il n’y a rien qui me rendait plus heureux que l’enthousiasme de Fabien en voyant mes planches. »
La réalisation de cette bande dessinée a pris plusieurs années : « Comme je suis perfectionniste et jamais content de mes planches, je suis devenu un horrible juge avec moi-même. Heureusement, Fabien, en gardefou était là pour me dire de ne plus déchirer mes planches pour les recommencer. J’ai mis beaucoup de temps à accepter le fait qu’il ait raison. Ces années passées sur mes deux tomes de Paco ont été parfois douloureuses mais aussi pleines de bonheur. Sur la fin du deuxième tome, plus je dessinais de planches plus je redoutais de quitter Paco, son univers et la Guyane. »
Le deuxième tome de Paco les mains rouges, sort le 6 octobre 2017, chez Dargaud. Une vingtaine de jours plus tard, Quai des Bulles récompense Eric Sagot et Fabien Velhmann pour cet album : « J’ai assisté à la remise des prix dans le public. J’étais là avec ma compagne et plein de monde dans une salle. J’ai assisté à un spectacle comique, un duo de flics campé par Marion Montaigne et Jouvray. L’album prix coup de coeur est annoncé et je vois la couverture de mon album sur grand écran.
Je monte sur scène presque gêné et sur le cul quand même. Bon, tant d’années d’implication dans ce rêve de Guyane et malgré tout une certaine ténacité ont été récompensées. C’est une reconnaissance de mon travail de la part de personnes de la profession que je connais et que j’apprécie beaucoup depuis pas mal d’années. Ce sont des gens qui doivent me connaître puisqu’ils ont fait ça avec tact. J’étais très heureux et super fier pour ma compagne, mon entourage et tous les gens qui croient en mon travail. Ce prix m’a permis entre autres de me faire plus confiance. »
Eric Sagot poursuit ses projets. Il travaille en ce moment sur un album en couleur directe pour enfants, écrit par Yeb avec qui il a déjà collaboré auparavant. Après cette BD, il souhaite « travailler sur une histoire de la même trempe que Paco ». Ses sources d’inspirations sont avant tout les voyages qu’il fait avec sa compagne et ses filles « Je dessine beaucoup sur mes carnets, presque avec frénésie, en Inde, en Asie, au Canada, en Guyane… En voyage, j’essaye de dessiner tous les jours. Il y a un tas d’endroits merveilleux dans le monde, des marchés, des villages, des villes qui me donnent l’envie de raconter des histoires. » En attendant de retrouver les nouveaux albums d’Eric Sagot, vous pouvez suivre toute son actualité sur sa page facebook : « PACO les mains rouges ».